Remerciements

Nos remerciements s’adressent aux responsables de la bibliothèque de l’ENSIA Massy pour leur aide très efficace à la recherche de documents.

Nous remercions également le CIDIL pour la rapidité de leurs services et les nombreux documents qu’ils nous ont proposés.

Nous remercions les entreprises ALPHA MOS et GROSSERON pour les renseignements qu’ils nous ont envoyés.

Nous tenons à exprimer notre profonde gratitude à Annick Rousseau et Cathy Guilbot pour leur disponibilité, leur grande patience et leur bonne humeur de tous les instants.

Enfin, nous tenons à remercier Elisabeth Catherine pour ses précieux conseils.

 

(cliquez sur les * pour accéder directement aux paragraphes concernés)

introduction *

I Historique *

II Le nez électronique *

1- Le nez humain *

2- Le nez électronique *

III Les différents domaines d’application : *

1- Les principaux constructeurs : *

2- Les industries Agro-alimentaires : *

3- Les autres industries utilisant le " nez " : *

4- Le nez au service de la Police scientifique : *

5- Vers de nouvelles applications : *

IV Nécessité ou gadget technologique ? *

1- Les problèmes rencontrés. *

2- Les performances actuelles. *

V Les évolutions possibles. *

1- Ce qu’il reste à améliorer. *

2- Vers un nouveau procédé : *

Conclusion. *

Introduction

Les méthodes traditionnelles de caractérisation des arômes sont très précises, mais longues et coûteuses.

Afin de palier à ces barrages, les " nez électroniques ", encore appelés capteurs d'arômes électroniques ou nez artificiels, ont fait une percée dans les industries. Les grands industriels veulent croire au potentiel de cet outil, mais cette nouvelle technologie a du mal à franchir les portes des laboratoires de recherches pour répondre à la demande du contrôle de routine.

L'analyse des arômes est une science à part entière. Le qualificatif le plus adapté pour définir l'arôme est le terme "complexe", ou "subtil". Un arôme est en effet constitué de plusieurs dizaines, voire centaines de composés chimiques. Les composés majeurs représentent à eux seuls environ 95 % de la masse des composés volatils responsables de l'arôme. Il est aisé de les quantifier, mais malheureusement, ces composés présents en grande quantité ont une contribution assez faible dans l'arôme global du produit. Bien souvent, ceux qui sont présents à l'état de traces ont une contribution importante dans l'appréciation hédonique de l'arôme par le nez humain.

Le " nez électronique " est-il un instrument indispensable à l'industriel ou simplement un gadget ?

Nous étudierons dans un premier temps le fonctionnement du " nez électronique ". Nous nous pencherons ensuite sur ses applications. Enfin nous analyserons les points forts et les points à améliorer de ce procédé.

I Historique

La première fois que le concept et le terme de " nez artificiels " ont été énoncés semble se situer en 1923 avec Jean-Henri Fabre dans son livre "Souvenirs entomologiques". Il souhaitait l'avènement de ce qu'il appelait un radiographe des odeurs.

Dans les années 50 et 60, toute une série de cellules détectrices de vapeurs organiques, relativement sensibles et à très faible temps de réponse, ont vu le jour. Leur utilisation ne pouvait s'opérer que par couplage à des colonnes chromatographiques. Ces cellules détectrices utilisaient des modifications de propriétés électriques de surfaces, consécutives à l'adsorption de molécules organiques. Le changement de tension superficielle des liquides a également été utilisé (notamment par Tanyolac), tout comme la modification de conductivité thermique de thermistances recouvertes d'un film liquide (Moncrieff, Friedman).

En 1987, Shurmer fit le projet d'utiliser des palettes de capteurs de différentes natures.

En 1989, la firme Thermdics a présenté 2 appareils qui détecteraient l'un de l'héroïne ou de la cocaïne, et l'autre des explosifs de la famille du plastic, à la concentration extraordinairement basse de 10-14 fraction molaire en moins de 30 secondes.

Parallèlement à ces détecteurs ultra rapides et sensibles, le couplage d'analyseurs physico-chimiques et de détecteurs biologiques a vu le jour. La société Delsi Instruments commercialise un accessoire de sortie de chromatographe en phase vapeur qui permet à un sujet humain de caractériser les propriétés olfactives (en intensité et en qualité) de chacun des effluents gazeux, au fur et à mesure de leur enregistrement par un détecteur physico-chimique. Des odorogrammes sont ainsi obtenus.

L'utilisation d'un détecteur animal en sortie de chromatographe, le plus souvent la grenouille, a été effectuée pour la première fois en 1964 par Ottoson et von Sydow.

Dans les années 70, différents dispositifs analytiques ont été brevetés. Leur principe consistait en une identification et une mesure de concentration des composants du mélange testé, suivies d'une pondération de l'efficacité odorante de chacun d'eux par recours à une mémoire, et d'une "addition d'odeurs" selon tel ou tel "modèle".

Enfin, à la fin des années 70, Etcheta et Laffort ont proposé l'odorographe permettant de déterminer, pour des substances pures, plusieurs propriétés moléculaires semblant être impliquées dans l'adsorbabilité sur les récepteurs olfactifs.

Aujourd'hui, les " nez électroniques " ont beaucoup évolués grâce à la découverte de nouvelles techniques et à l'apparition de nouveaux moyens. Néanmoins, la plupart d'entre eux se basent sur des principes physiques et chimiques déjà utilisés pour les premiers nez artificiels.

II Le " nez électronique "

Le " nez électronique " (ou artificiel) est un instrument capable de détecter, d'identifier et de discriminer des odeurs.

Il est conçu pour évaluer objectivement l'intensité globale des composés volatils d'un produit testé.

Il présente une fonction de reconnaissance olfactive similaire à celle d'un nez humain.

Il est classiquement constitué :

- d'un réseau de capteurs sensibles aux composés odorants,

- d'un système de conditionnement du signal émis,

- d'un logiciel de traitement de données.

1- Le nez humain

L'épithélium olfactif au niveau de la fosse nasale est constitué sur quelques cm² de plusieurs dizaines de millions de cellules réceptrices.

Chacune de ces cellules est sensible à une dizaine de molécules odorantes différentes. Chaque type de capteur est présent en plusieurs exemplaires.

La sélectivité du nez humain capable de distinguer plusieurs millions d'odeurs n'est pas le fait de capteurs ultra spécialisés, mais est le résultat d'un travail de recoupements et de convergences d'informations réalisés au niveau du cerveau.

Le nez humain est capable de détecter quelques particules par milliers de milliards (10-12) alors que les capteurs du commerce ne réagissent qu'aux particules par millions (10-6).

Schéma 1 : Anatomie du nez humain

(source : Encyclopédie Microsoft© Encarta 98)

Ainsi, le fonctionnement du nez humain va servir de modèle à l'élaboration du " nez électronique ".

 

2- le nez électronique

L'établissement d'une base de données :

Tout d'abord, une base de données (ou bibliothèque composite) est constituée. Elle est établie à partir de signatures et de descripteurs de produits de référence décrits avec précision par des méthodes traditionnelles et caractérisées par l'appareil. La signature représente l'empreinte, le profil, l'image ou la carte d'identité d'un produit précis et est constituée de l'ensemble des descripteurs de la composition. Elle est propre au mélange analysé. Les descripteurs sont des qualificatifs précis fournis par l'analyse sensorielle.

La préparation de l'échantillon :

Ensuite, l'échantillon doit être préparé et conditionné. Cette étape peut consister en un transvasement, un pressage, une filtration, etc. Elle est très importante; une mauvaise préparation peut donner de mauvais résultats.

La sélection des capteurs :

Par comparaison au nez humain, les capteurs sont les cellules réceptrices de l'épithélium olfactif.

Parallèlement, une sélection de capteurs adaptés à l'analyse et au produit est effectuée. Ici encore, leur choix va déterminer le résultat de l'analyse.

Les capteurs sont utilisés en réseau : une barrette comprend plusieurs capteurs.

Les plus utilisés sont les capteurs chimiques semi-conducteurs dont le principe est basé sur une modification de la résistance électrique d'un matériau.

L'oxygène de l'air est adsorbé à la surface du semi-conducteur. Les composés odorants diffusent jusqu'à cette surface et réagissent avec l'oxygène qui libère alors des molécules porteuses de charges qui modifient l'équilibre électrique du matériau.

Afin d'identifier la nature des composants, l'utilisation de plusieurs capteurs avec des caractéristiques différentes est nécessaire. Les plus courants sont les semi-conducteurs à base d'oxydes métalliques comme les oxydes d'étain, de zinc ou de tungstène dopés à divers métaux (palladium, platine, germanium). Chaque combinaison oxyde/dopant apporte une réactivité différente : certaines sont plus sensibles aux aldéhydes, d'autres aux amines, d'autres aux composés soufrés, … Ces capteurs sont relativement stables dans le temps, peu sensibles à l'humidité et assez rapides (réponse de 5 à 30 secondes). La sensibilité peut avoisiner le ppb (10-9) mais nécessite des températures élevées (entre 200 et 450 °C).

Basés sur le même principe mais pouvant travailler à des températures ambiantes, les capteurs à polymères organiques offrent une très grande variété. Mais ils restent moins sensibles, moins stables et fortement influencés par l'humidité.

Les capteurs à ondes acoustiques sont également utilisés. Leur principe repose sur une modification d'une fréquence de résonance.

D'autres, dits les biocapteurs, mettent en jeu des réactions enzymatiques. Ils sont très sélectifs mais sont destinés à des applications très spécifiques.

Concernant le choix et le nombre de capteurs à utiliser, il n'y a pas vraiment de règles. Il faut essayer et opter pour le système le mieux adapté à l'application.

La cellule d'échantillonnage :

L'échantillon, après préparation et/ou traitement préalable, est ensuite placé dans la cellule d'échantillonnage. Afin d'obtenir un équilibre entre les phases liquides (ou solides) et vapeur, et ainsi enrichir le headspace (espace au-dessus des produits où se fera la mesure), l'échantillon est laissé un certain temps enfermé dans cette cellule.

Le transfert de l'effluent :

L'équilibre atteint, le transfert de l'effluent s'opère : les composés volatils recueillis sont transférés le plus rapidement possible vers les capteurs. Ils ne doivent être en contact qu'avec des matières ne présentant aucune adsorption ou dégradation de ces composés.

La cellule de mesure :

Les composés volatils sont recueillis dans la cellule de mesure qui contient le réseau de capteurs, ainsi qu'un système de reconditionnement après l'analyse (retour du capteur à sa valeur initiale par chauffage sous air pur).

L'action des composés volatils sur les capteurs est transformée en un signal électrique exploitable.

L'acquisition des données :

Chaque odeur réagit différemment avec le réseau de capteurs et par conséquent génère un ensemble de signaux qui lui est propre.

L'ensemble de ces variations électriques individuelles constitue le signal de sortie, c'est à dire la signature ("pattern") de l'odeur.

C'est l'ensemble de ces variations de signaux électriques, fonction de la concentration adsorbée et de la nature de l'odeur, qui est conditionné et traité afin d'obtenir une information de sortie caractéristique de l'odeur.

Le signal est alors numérisé puis transféré vers l'ordinateur de pilotage.

Le traitement des données :

Dans le système olfactif humain, le traitement des données est effectué par le cerveau.

Il est dès lors possible, grâce à la spécificité de la réponse, de faire la distinction entre deux odeurs différentes.

À côté de cette propriété de discrimination d'odeurs, le nez électronique est également apte à reconnaître celle-ci. En effet, une présentation préalable au réseau de capteurs de plusieurs odeurs connues permet l'identification de l'atmosphère odorante à mesurer. Cette étape est appelée l'apprentissage : il s'agit d'enregistrer une mesure sur le réseau de capteurs, puis de la présenter à un système de traitement de données en lui précisant le nom de l'odeur dont il est question. Cette opération est répétée plusieurs fois. Ultérieurement, en phase de test, le système sera ainsi capable de retrouver lui-même le nom d'une odeur, pour autant qu'il la connaisse.

 

III Les différents domaines d’application :

Devant l’importance accordée au goût, aux arômes et aux saveurs, on s’intéresse depuis plus d’une dizaine d’années aux " nez électroniques ".

L’une des toutes premières applications est la mise au point, par le chercheur japonais M. N. Taguchi, d’un détecteur de fuites de gaz de ville (" les robots ont du nez "). Aujourd’hui, le " nez électronique " trouve de plus en plus sa place dans les industries et notamment dans le domaine de l’agro-alimentaire.

 

1- Les principaux constructeurs :

Pour répondre à cette demande, des fabricants de " nez électroniques " ont vu le jour. La société Alpha M.O.S., créée fin 1992 par Jean-Christophe MIFSUD, est le leader mondial de la fabrication de " nez électroniques " à usage industriel ( rapport financier Alpha Mos ). Il équipe entre autres les entreprises Danone, TotalFinaElf, Mc Cain, L’Oréal, Chanel, Coca-Cola, Kanterbraü… Son chiffre d’affaires prévisionnel pour 1999/2000 était de 90 millions de Francs d’après " Arômes Ingrédients Additif N°16 ". Mais le Toulousain Alpha MOS n’est pas le seul sur ce marché. Le français Midivaleur et les anglais Aromascan, Neotronics, se révèlent entre autres être de redoutables concurrents ( Mesures N°696 ). Depuis 1998, Hewlett-Packard est aussi entré sur ce marché, de même que le Français Grosseron, pour les plus connus. Enfin plus récemment, la firme française Tripette & Renaud propose une nouvelle génération d’analyseurs d’odeurs disponibles en trois versions : la " classique " version de laboratoire, la version pour chaîne de production haute cadence mais aussi un nouvelle version portative. Aussi efficace en contrôle qualité qu’en R&D (Recherche et Développement), cette dernière génération offre la possibilité de travailler sur les produits frais et sur les produits chauds grâce à des carrousels thermo-régulés. (Arôme Ingrédients Additifs N°23)

 

2- Les industries Agro-alimentaires :

La création de l’Institut européen du goût à Dijon traduit l’importance croissante donnée à ce paramètre actuellement. Pour faire la différence et faire pencher le choix du consommateur vers leurs produits, les industriels de l’agro-alimentaire doivent apporter des preuves tangibles de la présence de l’arôme typique, vecteur de l’émotion liée à un goût qui existait naguère. Le contrôle qualité des produits doit donc comporter une phase de contrôle de la qualité aromatique des produits finis. Cette phase s’avère également nécessaire dans le cadre des démarches de certification de qualité (Le technoscope de Biofutur).

Du fait du coût élevé du nez électronique à l’achat (> 300 000 F), les industries agro-alimentaires de petite ou moyenne taille ont souvent recours à un contrôle qualité empirique effectué par une seule personne ayant une bonne connaissance du produit (Adria Mars 1996).

C’est donc dans les grandes entreprises que le nez électronique est utilisé de façon courante aujourd’hui. Les domaines d’application, qui concernent quasi exclusivement le contrôle qualité, sont très nombreux. On peut citer le contrôle qualité en entrée et sortie de chaîne de production, la surveillance de cuisson ou de torréfaction, la conduite de fermentations et de procédés (mélanges, aromatisation,…), le suivi de la conservation d’aliment, les études des interactions contenus/contenants ainsi que les études de migration de l’arôme à travers l’emballage, l’appréciation de la maturité et de l’affinage des vins, fromages, produits carnés …,la standardisation de la production ou encore la détection de produits polluants volatils, le contrôle de composition d’un produit… (Adria Mars 1996).

Détection d’un défaut de fabrication en ligne :

Grâce au " nez électronique ", il est possible de détecter directement sur la chaîne de production un défaut de fabrication. Des caméras assistées par ordinateur réalisent déjà ce travail depuis de nombreuses années en ce qui concerne l’aspect visuel du produit (comme sur les chaînes d’embouteillage par exemple). Cependant, il ne permet pas encore, dans la majeure partie des cas, d’identifier l’anomalie ni sa cause. La méthode ne permet pour le moment qu’une détection. Ces indications sont pourtant très intéressantes puisqu’elles permettent de stopper immédiatement la chaîne de production défectueuse (ou hors normes) et ainsi d’éviter la perte sèche due au rejet d’un lot, ou pire le rejet du produit par le consommateur qui s’associerait inévitablement d’une dégradation notoire de l’image de marque. (Adria 1996)

Ainsi un emballage plastique malodorant (en test chez DANONE) pourra être , grâce au nez électronique, détecté et écarté de la chaîne de fabrication. Une aromatisation défaillante d’une poudre de café soluble, les qualités gustatives d’un café ou sa conformité à un standard donné de qualité peuvent être analysées en trois minutes au lieu de quarante cinq par les méthodes traditionnelles (Chromatographie Phase Gazeuse).

 

Détection de tromperies :

Certains produits naturels peuvent être reconstitués à base de concentrés ou autres… De même, l’origine de la matière première est parfois douteuse et ce, à chaque fois motivé par des raisons financières. Effectivement, un produit naturel n’aura pas la même qualité ni la même valeur marchande qu’un produit reconstitué ou semi-synthétique. La tentation est grande de remplacer entièrement ou partiellement l’un par l’autre ou encore d’utiliser des matières premières de moindre qualité que celles demandées. Grâce au nez électronique, il sera aussi possible de mettre en évidence de telles tromperies. Par exemple, dans le cas de jus de fruits, le mélange de fruits de provenance différentes (oranges de Floride mélangées avec des oranges d’Espagne bon marché par exemple), ou d’ajout de concentré, l’analyse pourra déterminer plusieurs pics caractérisant cette tromperie. De plus, cela s’effectuera en un temps record (quelques minutes contre une demi-journée auparavant) et pourra même être utilisé, grâce aux gammes portatives, lors de l’achat par l’industriel des matières premières. (L’ Usine Nouvelle HS 2000)

La standardisation de la production :

Obtenir une production standardisée est particulièrement difficile, du fait de la variation de qualité des matières premières le constituant.

Le " nez électronique " peut servir au contrôle qualité de matières premières. Ainsi, la qualité d’un grain, la présence de moisissures, d’odeurs de fumées, de viandes malodorantes (porcs mal ou non castrés)… seront détectées avant utilisation ce qui permettra d’éliminer les matières premières ne répondant pas à la norme fixée pour obtenir un produit standard. (Arôme Ingrédients Additifs N°16)

Dans le domaine vinicole, le contrôle des différents moûts est essentiel. Un moût défectueux peut entraîner un mauvais goût, voire un produit non utilisable. Le grand producteur de Champagne Moët & Chandon, en partenariat avec l’INRA de Dijon, utilise aussi le nez électronique pour réaliser le mélange des différents moûts aboutissant au produit final. Ainsi les proportions de tels ou tels autres moûts seront calculées en fonction de leurs caractéristiques respectives afin de donner au produit final un goût très raffiné (Revue des œnologues 1997). Le nez électronique est seul capable de répondre à cette demande. En effet, l’analyse sensorielle est inconcevable dès que l’on doit traiter plusieurs dizaines, voire centaines d’échantillons par jour. De plus, l’analyse instrumentale séparative a été testée, mais la sensibilité de l’appareil s’est avérée trop limitée pour cette application.

 

Les nouvelles normes :

Les nouvelles normes de contrôle de qualité, même si elles ne sont pas encore obligatoires pour la vente en France sont de plus en plus réclamées par les distributeurs français ainsi que par les importateurs des autres pays membres de la C.E.E. (Adria 1996).

Ainsi la mise en place de nouveaux labels de qualité pourrait avoir lieu. Par exemple, l’Université de La Rochelle, en partenariat avec Alpha MOS, le CEMAGREF et l’IFREMER, a acquis l’année dernière un " nez électronique " pour effectuer des mesures sur les poissons mis en vente à la criée locale. Leur objectif est de mettre en œuvre un label confirmant la qualité du poisson directement sur le site de " production ". Au vu des premiers résultats positifs sur certaines sortes de poisson (le bar,…) plusieurs producteurs mareyeurs et ports de pêche ont manifesté leur intérêt pour un tel label notamment pour attirer des opérateurs distants par le biais d’Internet. Le besoin d’analyses rapides et objectives pour garantir des labels de qualité et de sécurité alimentaire pour les produits frais s’affirme ainsi une nouvelle fois ( Document Internet 2000 " Le nez électronique Alpha MOS au service d’un label de qualité pour les produits de la pêche ").

Exemple précis de mise en application : la chauffe des barriques

Chauffer une barrique représente une étape capitale dans la fabrication des fûts de bonne qualité. En effet, seuls des fûts en chêne sont capables d’assurer " l’élevage " des vins. Le chauffage traditionnel est celui au feu de bois. Mais il est très aléatoire… Pour obtenir une bonne reproductibilité et une qualité constante des fûts, une chauffe régulée a été mise au point. Elle utilise les radiants infrarouges qui permettent de reproduire le cycle de chauffe traditionnel. Mais suivant les bois utilisés et différents paramètres, des disparités peuvent apparaître. Jusqu’alors, seule une obligation de moyens était possible au fabricant pour garantir la qualité de ses fûts. Aujourd’hui, par le " nez électronique " et ses mesures objectives, ce sont des obligations de résultats qui deviennent possibles. La qualité de brûlage du bois est ainsi contrôlée. La mesure rapide (60 s) permet un contrôle par appareil de 200 fûts par jour. Il est donc désormais possible d’éliminer presque tous les accidents de chauffe qui étaient difficiles à détecter auparavant. (revue des Œnologues n° 90)

3- Les autres industries utilisant le " nez " :

L’industrie agro-alimentaire représente le principal marché du " nez électronique ". Les laboratoires peuvent aussi, dans certains cas, faire appel à cette technique. D’autres industries utilisent également ce procédé comme la papeterie, l’industrie du tabac, du caoutchouc, la parfumerie, l’industrie automobile, l’industrie chimique,…

Dans le domaine automobile, le constructeur Ford a choisi de s’équiper de " nez électroniques " pour le contrôle des odeurs de l’habitacle de ses véhicules (usine nouvelle Novembre 2000 / Objectif Risk zéro).

Un autre domaine d’avenir pour les " nez électroniques " est celui de l’environnement et du contrôle de pollution. Cette application reste cependant assez marginale du fait de la mise au point perfectible des appareils et surtout en raison des normes NF X 43 qui recommandent des mesures olfactométriques (Mesure N°696 1997).

Enfin le nez électronique pourrait permettre, associé à un olfactomètre générateur d’odeur, la sélection d’un jury afin que l’évaluation olfactométrique soit représentative d’une population donnée.

 

4- Le nez au service de la Police scientifique :

Comment détecter, reconnaître à coup sûr ou confondre sans aucun doute un individu suspect ? C’est en général à la Police que revient cette mission délicate. Jusqu’alors, l’empreinte digitale, l’iris de l’œil, la voix et dernièrement l’ADN étaient capables de fournir une authentification réelle de l’identité. Mais l’odeur fera sans doute prochainement partie de cette liste puisqu’il semblerait que chacun d’entre nous possède une odeur distincte unique. Les chiens le savaient depuis longtemps semblerait-il … Un " nez électronique " spécifique et extrêmement sensible est en cours de mise au point à l’université de Cambridge. (Document Internet " Un nez électronique ")

5- Vers de nouvelles applications :

Parmi les articles utilisés certains datent de 1997. Les nez électronique y est décrit comme un appareil quasi uniquement réservé et utilisé en laboratoire faute de fiabilité de sensibilité et de développement. Les articles plus récents nous montrent la rapidité des mises au point dans ce domaine. Actuellement, le " nez électronique " est utilisé dans les industries où il répond de manière rapide et économique à un grand nombre d’applications. Des améliorations sont toujours en cours de développement. Les capacités des " nez électroniques " sont donc en perpétuelle amélioration. Outre la caractérisation des goûts et des arômes, " les nez électroniques " pourraient bientôt se retrouver directement au service de la qualité alimentaire. Déjà capable de repérer d’éventuels polluants volatils, les nez seront en outre bientôt capable de détecter des bactéries comme Listeria monocytogenes ou Salmonella. Ces bactéries seraient repérées grâce aux métabolites gazeux qu’elles produisent lors de leur phase de multiplication. (objectif risque 0)

La " langue électronique ", dérivée directement du " nez électronique " est actuellement en cours de développement et pourra bientôt compléter, voire remplacer pour certains cas, le nez électronique.

D’autres applications plus fantaisistes a priori voient aussi le jour comme, en Angleterre, le dépistage de certaines maladies chez les bovins par analyse de leur haleine ou encore en Suède où la firme Bofors, fabricant d’explosifs, affirme avoir créé un appendice nasal artificiel rivalisant d’acuité olfactive avec la truffe des chiens ! (Sciences & Vie N°961 1997)

IV Nécessité ou gadget technologique ?

Le " nez électronique " présente donc de nombreux domaines d’application. Mais, les industriels sont encore réticents à utiliser cette méthode. Son coût relativement élevé (300 000 à plus de 500 000 Frs en 1997 : Science et Vie –oct. 1997) les dissuade. Faisons le point sur les avantages et les inconvénients du nez électronique afin de voir si cet investissement est valable.

 

1- Les problèmes rencontrés.

" Le nez électronique " permet de détecter, en temps réel, un défaut de fabrication en ligne dans un procédé ou dans un produit fini (Adria 1996 – Biofutur 1998). Mais il ne permet pas de déceler la nature ni l’origine du défaut. Cependant, la rapidité de sa réponse (quelques secondes à 5 minutes) permet de stopper immédiatement une fabrication défectueuse. Ceci permet alors d’éviter la perte conséquente au rejet d’un lot ou pire encore, le rejet d’un produit par le consommateur.

Les principaux problèmes limitant l’emploi du " nez électronique " proviennent des capteurs. Ils sont très peu sélectifs et ne sont pas parfaits. Ils sont sensibles aux composés volatils peu odorants (gaz carbonique, éthanol, vapeur d’eau). De plus, les acides faibles et les composés soufrés occasionnent une destruction partielle de ces capteurs (Adria 1996 – Biofutur 1998).

Ces capteurs sont des détecteurs de gaz à semi-conducteurs. Ils ne sont donc sensibles qu’aux gaz. Il faut alors transformer les échantillons liquides ou solides en composés volatils afin de pouvoir les analyser (Adria 1996- Biofutur 1998). Ceci augmente la durée du traitement.

De plus, il est impossible de dégazer un échantillon de boisson gazeuse ou de désalcooliser une boisson sans perdre les arômes. Cependant, il est envisageable de traiter ces échantillons afin de les amener à un titre alcoolique ou hygrométrique normalisé. L’inconvénient est que cela enlève tout l’intérêt de la rapidité de la méthode.

Autre problème très important : la pérennité de la base de données due à la dérive des capteurs (RIA 1997- Mesures 1997 – Biofutur 1998). Les capteurs ne peuvent pas être ré-étalonnés, ni même remplacés sans perdre la base de connaissance de produits. Ceci représente un inconvénient majeur puisque le nez ne peut alors pas être utilisable en contrôle qualité or, c’est son principal objectif.

2- Les performances actuelles.

Afin d’améliorer la pérennité de la base de données, les capteurs peuvent être montés en réseaux homogènes ou hétérogènes. C’est ce que proposent les systèmes de seconde génération. Mais un réseau comprenant un trop grand nombre de capteurs est difficile à gérer. De plus, les effets des composés volatils (gaz carbonique, éthanol, vapeur d’eau …) restent relativement importants (Science et Vie 1997 – Biofutur 1998 – Objectif Risk Zéro 2000).

Cependant, l’utilisation d’un seul capteur chauffé à des températures modifie ses propriétés de sélectivité et multiplie ainsi artificiellement le nombre de capteurs. La température devient alors un paramètre important. C’est en se basant sur cette remarque que le laboratoire de l’INRA de Dijon a créé le " réseau virtuel ". Constitué d’un capteur unique, ce " réseau virtuel " permet d’augmenter considérablement la richesse de l’information grâce à la programmation de la température. Un réseau classique de 8 capteurs se transforme ainsi en réseau virtuel de 32 capteurs. De plus, la signature thermique est stable car elle est peu affectée par la dérive des capteurs et elle minimise l’influence de l’humidité sur la réponse.

Malgré tous ces inconvénients, le " nez électronique " présente des caractéristiques intéressantes, relatives à ses différents domaines d’application.

Les capteurs constituant le nez électronique permettent d’évaluer l’intensité d’un arôme en temps réel. En effet, contrairement à d’autres méthodes (chromatographie en phase gazeuse, spectrométrie de masse) sa réponse est rapide : de quelques secondes à 5 minutes (contre 30 minutes en chromatographie en phase gazeuse) (Mesures 1997).

Comparons maintenant le " nez électronique " avec la chromatographie en phase gazeuse et l’analyse sensorielle (source : RIA –1997) :

 

Technique :

Les plus :

Les moins :

Chromatographie en phase gazeuse (CPG)

Méthode efficace et précise

Identification de chaque composé

Parfaitement reproductible

Méthode longue et coûteuse

Echantillon doit être conditionné

Pas d’utilisation en ligne

Analyse sensorielle

Outil très précis, sensible et fiable

Caractérisation du défaut

Comparaison avec un produit cible

Plus rapide que (CPG) et spectrométrie de masse

Entraînement long, fastidieux

Méthode coûteuse

Sensibilité au stress, au rhume, etc…

Disponibilité du panel

Capteurs d’arômes

Réponse rapide mais globale

Utilisation d’échantillons bruts

Permet de soulager le panel en routine

Travail possible 24 H/24

Sensibilité limitée

Pas d’identification en cas de défaut

Base de donnée nécessaire

Environnement de laboratoire

V Les évolutions possibles.

1- Ce qu’il reste à améliorer.

Pour augmenter l’emploi du " nez électronique " par les industriels, il faudrait encore améliorer ce système (améliorer sa sensibilité, régler les problèmes liés à l’influence de l’humidité, des solvants saturants …). C’est sur ces problèmes que travaillent plusieurs équipes de recherche, notamment celle de l’INRA (en collaboration avec d’autres partenaires). Mais, selon Patrick Mielle (Laboratoire de Recherches sur les Arômes, INRA de Dijon) : " il faut certes aller vite, mais sans faire " au plus simple " si on veut garder la confiance des industriels et ne pas discréditer comme l’on fait certains, dont les efforts ont portés beaucoup plus sur la médiatisation que sur les innovations technologiques " (Adria 1997).

L’évolution du nez électronique passe aussi par le développement d’autres types de capteurs. On parle beaucoup de biocapteurs, mettant en jeu des réactions enzymatiques. Mais, du fait de leur haute sélectivité, ils ne peuvent être utilisés que pour reconnaître un type de produit dans des applications très spécifiques (Mesures 1997). Des capteurs piézo-électriques ou quartz microbalance (QMB) permettront peut-être de résoudre partiellement des problèmes de dérives, au détriment de la sensibilité (RIA 1997).

 

2- Vers un nouveau procédé :

Une " langue électronique " devrait bientôt être mise sur le marché par Alpha MOS, début 2001 (L’Usine Nouvelle 2000). Elle fonctionne sur le même principe que le nez, à une différence près : les capteurs sont immergés dans la solution à tester.

La langue utilise une batterie de 8 capteurs électrochimiques. Ils sont non spécifiques et sensibles à plusieurs des molécules qui composent un goût donné.

La " langue électronique " pourra effectuer des analyses que les nez les plus répandus sur le marché sont incapables de faire. Elle sera capable de classer des bières en fonction de leur amertume, de distinguer le " sucré " d’après son origine et de déceler certains mauvais goûts dans le vin.

Mais, elle doit encore faire ses preuves, comme cela a été le cas pour le nez.

De nombreuses recherches sur les boissons, de l’eau à la vodka, ont été réalisées. Les résultats obtenus étant corrects, Pespsi a choisi de recourir à cette nouvelle méthode (Objectif Risk Zéro 2000).

Conclusion

Le " nez électronique " a été commercialisé depuis relativement peu de temps. A cette période (1996-1998), tous les articles sérieux, parus au sujet de cette nouvelle technologie, mettaient en évidence la nécessité d’améliorer le procédé afin de pouvoir envisager son utilisations dans l’industrie. Revenant sur le fait que la chromatographie en phase gazeuse ait mis 30 ans avant de pouvoir être utilisable en routine, Patrick Mille exprime son souhait (mais aussi celui des industriels) de voir le " nez électronique " évoluer plus vite. Heureusement, cet appareil est aujourd’hui commercialisé et présente de nombreux domaines d’applications.

On en vient à se demander alors si le " nez électronique " peut se substituer à l’analyse sensorielle ?

En fait, les " nez électroniques " sont capable de reconnaissances d’anomalies, de détecter des variations par rapport à un standard mais pas franchement d’analyser. A contrario, l’analyse sensorielle fait la part belle à l’analyse fine, mettent en jeux le point de vue hédonique, chose impossible à l’électro-informatique pour l’instant. De plus, l’analyse sensorielle permet une précision, une identification et une adaptation bien supérieur malgré son coût élever de fonctionnement et sa mise en place contraignante pour aboutir à de bons résultats.

Le " nez électronique ", qui trouve sa place en contrôle de routine, là où l’homme ne peut suivre la cadence, ne remplacera donc sans doute jamais le nez du spécialiste, seul capable d’analyser et d’interpréter les résultats. C’est un outil très intéressant permettant de déceler le défaut mais pas de trouver sa cause ni de le corriger. Les nez humains ont encore de beaux jours devant eux…

 

BIBLIOGRAPHIE

(Classement par ordre chronologique)

Arômes Ingrédients Additifs/ N°3 Décembre 1995/ Olfactomètre transportable.

ADRIA/ Mars 1996/ p4 à10/ Le " nez électronique " : nécessité ou gadget technologique ? Patrick Mielle

Process/ N°1125/ p34 à 37/ Bientôt des contrôles aromatiques de routine Patrice Toursel

RIA/ N°568 Avril 1997/ p62 à 63/ Nez électronique : vers des applications concrètes Myriam Zini

Document internet/ Mai 1997/ http://www.entreprises-midi-pyrenees.tm.fr /may97/p22.html/ Entreprise Midi Pyrénées

Mesures/ N°696 Juin 1997/ p49 à52/ Les nez électroniques sont proches de la maturité industrielle Marie-Pierre Vivarat-Pérrin

Science et Vie/ N°961 Octobre 1997/ p. 116 à 121/ Les robots ont du nez Gérard Morice

Science et Vie/ N°961 Octobre 1997/ p109 à 115/ Les labos du goût Kelly Martial

Document internet /12 novembre 1997/ http://www.ful.ac.be/Recherche /Surveillance/faqodour.htm/ Questions fréquemment posées à propos des " nez électroniques "

Le technoscope de Boifutur/ N°174 Janvier 1998/ p. 2 à 10/ Une technologie de pointe au service du contrôle de la qualité aromatique Patrick Mielle

Arômes Ingrédients Additifs/ N°16 Juin/Juillet 1998/ p 18/ Applications industrielles des " nez électroniques "

Arômes Ingrédients Additifs/ N°16 Juin/Juillet 1998/ Nez électronique

Arômes Ingrédients Additifs/ N°24 Octobre/novembre 1999/ p 59/ Nez électronique

Objectif Risk Zéro/ N° Juin 2000/ p 56 à 58/ Analyse sensorielle : les nez électroniques peuvent mieux faire Laurent Viel

Document internet/ juillet 2000/ http://www.alpha-mos.com/finhome.htm :

Le nez électronique alpha MOS au service d’un label de qualité pour les produits de la pêche.

L’Usine nouvelle/ Hors Série Novembre 2000/ p 80 à 81/ Odeurs et saveurs passées au crible des capteurs Pierre Laperrousaz

 

 

 

Documents non datés :

Revue des œnologues/ N°90/ p12 à 14/ La chauffe des barriques contrôlée. Bientôt une réalité Docteur pascal Chatonnet

Revue des œnologues/ N°97/ p44 à 49/ L’électronique met son nez dans les vendanges en Champagne Patrick Mielle et Florence Marquis

Revue des œnologues/ N°97/ p51 à 53/ Un nez électronique pour la différenciation des vins Berardino Torrone

Document internet/ http://www.alpha-mos.com/teeprincipalfr.htm/ alpha MOS : principes du nez et de la langue électroniques

Document internet/ http://www.club-internet.fr/sciences/deronay/chronique 10.htm/ Un nez électronique

 

Réalisé par Aurélie Guérin, David Pointereau et Michaël Ozanon pour le cours d'analyse sensorielle de l'ESTBA